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    Le Fuckoffee

    Frank Rosenthal
    Frank Rosenthal


    Messages : 1
    Date d'inscription : 05/08/2021

    Le Fuckoffee Empty Le Fuckoffee

    Message par Frank Rosenthal Jeu Aoû 05, 2021 11:45 pm

    L’habitacle de l’Evropa Nightopus puait le vieux sandwich et la boisson énergisante, Goriller Menthol pour les nez avisés. Un gyrophare vétuste restait sur le tableau de bord, juste à côté de l’holocom relié au Q.G. du Rhadamanthus Police Department et de la C.E. – goût menthol également – obtenant l’approbation mécanique d’un Neki-Neko qui les regardait de ses grands yeux prétendument félins. La photo d’une jeune femme avait été scotchée sans grand soin dans le coin droit du rétro intérieur, qui lorgnait sur le bordel tapissant la banquette arrière, capharnaüm de canettes, d’emballages divers et de chiffons sanglants. Bien qu’il disait avoir arrêté, Frank Rosenthal gardait toujours un paquet de Benson & Hedges Gold 100’s dans la boîte à gants, juste à côté du Sigmeyer Parabellum modifié de chez Mauser. Pour les blondes, c’était rien qu’au cas où.

    La Nightopus était la marque de fabrique de l’équipe de nuit chez les condés. La caisse était devenue tellement emblématique qu’ils ne cherchaient plus vraiment à jouer leur rôle de flics en civils, et se contentaient de tourner dans les rues de Rhadamanthe en attendant un appel du central qui les redirigerait éventuellement vers une mission de tranquillité publique quelconque, si ce n’était pas seulement pour leur demander de se faire quelques chromés, histoire de. Le budget manquait, et il semblait aux gars de la nocturne que plus les super-buildings poussaient, plus leur matos était dépassé. La faute au connard qui eut l’idée de mettre en place une police privée sur tout le territoire de la Cité-État. Les corpos investissaient là où elles pouvaient encore sucer ce qu’il restait de fric sur le continent. Fallait être un de ces notables, pour avoir droit à des agents de protection convenablement équipés.

    Il en avait été, Frank, du service de protection rapprochée d’Atlas. Viré prématurément pour faute grave, on l’avait gentiment reclassé chez les civils de la nocturne – qui faisaient également le boulot de la judiciaire et de la scientifique, c’était selon – un tel traitement de faveur était chose rare et en faisait jacasser plus d’un. Du haut de son imposant mètre quatre-vingt-cinq, le gaillard, la trentaine à peine entamée, paraissait facilement dix ans plus vieux. Une barbe brune lui mangeait les joues presque jusqu’aux yeux, qu’il laissait deviner derrière ses lunettes à double vitrage, l’un H.U.D. et l’autre pare-balles, en coiffant ses cheveux d’un Stetson en daim, et noir s’il vous plaît. Le soin apporté à sa tenue, donnant du costume trois pièces et du trois-quarts coton, tranchait abominablement avec la rusticité de sa voiture de fonction et de ses collègues de travail, comme une crapule au tribunal. En outre, Rosenthal avait tout de l’imposteur.

    La Nightopus acheva sa trajectoire au milieu du parking du Fuckoffee, bistrot quelconque où l’ex-garde du corps avait ses habitudes. Sa main glissa sur le tableau de bord pour récupérer la vapoteuse avant que la portière ne s’ouvre et qu’il ne rejoigne sa table habituelle, au fond à gauche, près de la sortie de service. D’ici, il pouvait voir les allées et venues de tous les clients du café-restaurant et conservait un visuel, à travers la glace, sur le Now Sleep Motel, dont le « w » de néon avait rendu l’âme. Le No Sleep portait bien son nom en tant que maison de passe. Il déposait le Stetson sur la table, tandis que Marilyn, qui ne s’appelait pas vraiment comme ça, venait prendre sa commande.

    « Comme d’habitude ? qu’elle demanda sur un ton las. Les habitués finissaient par s’assimiler aux meubles, dans ce genre d’établissement. On les laissait pourrir sous les vapeurs de friture et de café noir parce que, quoi qu’il arrivait, ils reviendraient. « Met-s-en deux cette fois, » répondit Frank sans plus de convenances. La jeune blonde ne dissimula pas sa surprise, sachant que les nuiteux bossaient habituellement seuls. Ses sourcils se fronçaient, et elle minait de noter la commande dans son calepin, bras croisés juste au-dessous de sa poitrine et du slogan de l’établissement, en lettres brodées rouges sur le haut de son uniforme : " Eat, drink, and fuck off ". « Pas de putains dans le restaurant, tu connais la règle, » jugea pertinent de prévenir la Marilyn. Rosenthal se contentait de hocher la tête.

    La nuit serait longue, et il était hors de question de laisser refroidir son assiette pour attendre son rendez-vous.

      La date/heure actuelle est Mer Mai 08, 2024 12:04 am